Favoriser la santé des cadres face aux conséquences des réorganisations et restructurations

Nous avons vu dans l’article « Les conséquences des réorganisations et restructurations sur la santé des cadres », que la mondialisation avec toutes ses conséquences est incontournable actuellement. Les pressions du marché ainsi que l’accélération du changement sont une donnée avec laquelle il faut apprendre à vivre et surtout à construire tout en évitant les effets néfastes sur les cadres et sur l’environnement social.

Par Liliane Held-Khawam, auteur du livre « Le Management Par le Coaching (MPC): le cadre à la recherche de ses repères »

Voici quelques éléments de réflexion non thérapeutiques qui semblent porteurs de résultats. L’axe central consiste à redéfinir le positionnement du cadre à 3 niveaux:

I.   Niveau organisationnel

II.  Niveau du poste occupé

III. Niveau de la gestion personnelle

I. L’axe organisationnel

L’entreprise pourrait avoir à cœur de favoriser le plus possible l’intégration des collaborateurs et notamment des cadres. Ce développement touche principalement trois domaines:

  1. La transparence de la stratégie
  2. Le développement d’une culture unique adaptée aux structures
  3. La tolérance vigilante
La transparence de la stratégie

Si l’on veut que tout le monde « tire à la même corde », il faudrait que les gens sachent qu’il y a une corde et où elle se trouve. La stratégie est un outil fédérateur fantastique. Encore faut-il l’utiliser! Si l’entreprise décide de jouer la transparence au niveau de la stratégie, elle va se confronter à un problème: c’est la capacité des cadres à la comprendre et à l’intégrer. Il s’agit là d’un problème pur de communication. En effet, si les collaborateurs ont des préoccupations d’ordre purement émotionnelles, la transmission de la stratégie n’aura pas d’échos.

Si les cadres sont par exemple​ en colère, ils ne seront pas réceptifs à un langage économique ou rationnel. Leur colère est leur réalité, l’avenir de l’entreprise peut paraître secondaire. Les dirigeants doivent s’appuyer sur les attentes et les frustrations de leurs cadres pour leur faire part de l’orientation future de l’entreprise. La mise en place d’une stratégie gagnerait donc à démarrer par une écoute des cadres (et des collaborateurs, idéalement).

Le développement d’une culture unique adaptée aux structures

Le fait de modifier les structures influe sur la culture. Cette dernière constitue le terreau dans lequel évoluent les collaborateurs. Par ailleurs, un changement culturel nécessite beaucoup plus de temps qu’un changement de structures.

Il est donc important de se donner les moyens au niveau de la communication et de la formation pour développer une nouvelle culture, notamment dans le cadre d’un processus de reengineering ou de la modification de la taille de l’entreprise (p.ex. fusion, « dégraissage »…).

La tolérance vigilante

Pourquoi la tolérance vigilante? Tolérance, parce que l’individu, n’étant pas une machine, aura besoin d’un temps d’adaptation à la nouvelle structure durant lequel des erreurs peuvent apparaître. Vigilante, parce qu’il est important de mettre des limites à la tolérance. Des progrès dans le comportement de l’individu doivent être perçus malgré les éventuelles difficultés liées à l’adaptation et toute inertie devrait être dénoncée.

II. L’axe du poste

La désorganisation et le flou sont des facteurs de stress importants. Il est donc souhaitable que l’entreprise définisse le plus possible les projets et les responsabilités attribuées aux cadres.

Nous avons vu que les objectifs quantitatifs et techniques sont généralement fixés. Les difficultés résident souvent dans les moyens et outils mis à disposition. Les objectifs qualitatifs et humains manq​uent trop souvent. L’individu manque alors de vision sur l’impact de son rôle sur les partenaires, notamment dans le cadre de structures matérielles et/ou process.

Enfin, la redéfinition d’un projet ou d’un poste peut faire appel à des compétences techniques ou comportementales nouvelles. Il est indispensable que l’encadrement en tienne compte et offre une formation continue adaptée.

III. L’axe de la gestion personnelle du cadre

(Voir aussi l’article: « Apprivoiser son stress sans forcer »)

Cet axe est fondamental. Il consiste à mettre en valeur et à renforcer la base personnelle du cadre. Cette dernière va porter le potentiel et les compétences. Si cette base est fragilisée, les compétences auront du mal à se concrétiser. Elle constitue le socle et la source qui permettront un appui et un épanouissement du potentiel.

On peut établir un processus de développement en trois étapes:

  1. Une meilleure connaissance de soi
  2. Une définition de l’équilibre de vie
  3. Une redéfinition du succès professionnel

Une meilleure connaissance de soi

La connaissance de soi est un processus d’apprentissage qui ne finit jamais. On peut toutefois l’aborder dans la vie professionnelle à 3 niveaux:

  1. Le potentiel et les compétences professionnelles
  2. La dimension affective et émotionnelle
  3. Les racines personnelles

1) Potentiel des compétences professionnelles

Cette partie se décline en trois composantes:

  • Un potentiel physique: résistance personnelle aux voyages, intempéries, look, prestance,…
  • Un potentiel technique ou le savoir-faire accumulé au fil des années
  • Un potentiel personnel ou comportemental avec des capacités de communication, de management, de travail en équipe.

2) La dimension affective

Cette partie est souvent rejetée par les cadres car elle est assimilée à la vulnérabilité et donc à une fragilité. Pourtant cette dimension affective porte en elle une force qui peut ouvrir les portes de l’intelligence du cœur, laquelle peut apporter beaucoup de subtilité et de chaleur à l’intelligence rationnelle. De toute manière, qu’on veuille ou pas, cette dimension affective existe. La dénier conduit souvent à une émotivité gênante et, pour finir, envahissante.

3) Les racines

Elles consistent dans l’identité et l’ancrage du cadre dans la vie. Elles lui permettent de tenir débout malgré les chamboulements de l’environnement. Le cadre s’identifie à lui-même et non plus à son émotivité, il peut devenir ainsi plus autonome, créatif, responsable et intuitif.

Cette identité libère des valeurs qui vont porter l’expression du potentiel et permettre au cadre d’agir de manière proactive tout en restant fidèle à lui-même. C’est dans l’expression régulière de ces trois dimensions dans la vie professionnelle que le cadre va se réaliser et donc travailler à son bien-être.

Une redéfinition de l’équilibre de vie

L’équilibre de vie est une affaire strictement individuelle. Chaque personne doit définir « son » équilibre de vie. Il se décompose en trois tranches qu’on peut appeler le « modèle des 3V »:

  • La vie professionnelle
  • La vie privée
  • La vie sociale

La répartition et la pondération de ces trois tranches est personnelle et évolue avec l’individu. Elle est fortement liée aux racines et valeurs de l’individu, mais aussi aux intérêts professionnels et personnels. Un cadre peu​t travailler 60 heures par semaine sans être perturbé alors qu’un autre peut être perturbé parce que les 45 heures nécessaires dérangent sa vie privée.

Le cadre est donc invité à hiérarchiser les « 3V » en les pondérant les uns par rapport aux autres. Il en découlera une répartition strictement personnelle. Cet équilibre de vie répond à la réalité et aux besoins du cadre à cet instant.

Une redéfinition du succès professionnel

Il est important que le cadre sorte d​u schéma idéal du succès professionnel défini par son entreprise et/ou par son environnement privé. Il doit trouver son orientation professionnelle basée sur la connaissance qu’il a de lui-même (voir le paragraphe sur la « meilleure connaissance de soi ») et des intérêts définis par lui et qui participent à son équilibre de vie.

Le succès professionnel implique aussi le bien-être et la santé de la personne, afin qu’elle puisse profiter un jour de sa retraite!

Il est donc important d’insister sur le fait que le succès professionnel est avant tout une question personnelleles critères de succès changent d’une personne à l’autre et évoluent au cours d’une vie. Le succès professionnel doit être étudié dans le cadre du succès global de l’individu.

Conclusion

Management et santé sont deux concepts potentiellement compatibles. La santé du management est un pilier central de la gestion d’entreprise car elle détermine la santé de l’entreprise elle-même. En effet, la qualité des décisions est fortement liée à la santé des décideurs et va influencer l’orientation et la qualité du climat de travail de l’ensemble du groupe.

Le développement de la santé du management ne peut être l’affaire exclusive des individus ou de l’entreprise. Il se gère autant au niveau organisationnel qu’individuel. Le but final de la démarche étant le positionnement le plus clair et le plus cohérent possible du cadre, tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée en général. La vie professionnelle du cadre doit, de plus en plus, s’intégrer harmonieusement dans une approche visant l’équilibre de la vie.

Quant à l’entreprise, son rôle est double à ce stade. Elle est invitée, d’une part, à donner aux cadres les moyens nécessaires pour mieux définir leur rôle dans l’entreprise. D’autre part, elle gagnerait à prendre conscience que la tentation de maximiser les efforts demandés aux cadres est une politique à court terme qui met en danger la santé de son management et donc la performance de l’entreprise elle-même. Il s’agit donc pour l’entreprise de rechercher l’optimisation plutôt que la maximisation de ses ressources et des efforts fournis. C’est ainsi que la santé du management sera assurée et avec elle la pérennité de l’entreprise.

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